« Le fait de mourir, même dans un regard de foi, n’appartient pas d’abord à l’aumônerie, mais aux soignants de toutes sortes dont le représentant du culte catholique fait partie intégrante »
Deux conversations distinctes avec deux aumôniers d’hôpitaux ont récemment réveillé en moi un débat que je croyais avoir assoupi. Y a-t-il à l’hôpital des urgences en dehors de l’idée que s’en fait la conscience de l’aumônier ? J’ai écrit « conscience ». J’aurai pu choisir, sans nuance péjorative, le terme « d’angoisse ».
‘admets bien volontiers que la nature des malades et des soins changent les données. Le Centre Léon Bérard ne réclame pas le même type de présence ministérielle que le « Centre de Réadaptation des Massues ». Ceci dit, il nous faut aller au fond des choses. L’angoisse des malades, l’inquiétude des familles, le désarroi ou la révolte des intimes, l’approche de la mort des patients, constituent-ils des urgences pour l’aumônerie catholique ?
Certes, c’est un devoir fraternel, plein d’amour, que de consoler, d’apaiser, de dire les paroles de Paix et de signifier le Pardon au moment du Passage du temps à l’Eternité. Faut-il affaire cessante que le ministre catholique court à l’hôpital et entre des heures durant, avec charité, dans l’agonie du malade ? Même s’il est requis, doit-il accéder à la demande d’une famille ou d’un mourant ? Doit-il, même avec tact et humilité, accourir au chevet pour être le témoin discret de l’Espérance et favoriser la concorde des membres des familles souvent rassemblés là, malgré leur dissension récursive ?
Le fait de mourir, même dans un regard de foi, n’appartient pas d’abord à l’aumônerie, mais aux soignants de toutes sortes dont le représentant du culte catholique fait partie intégrante. Se donner un rôle exclusif et urgent relève peut-être de l’abus. Qu’il y ait une présence originale et spécifique du prêtre ou d’un animateur laïque en pastorale ne se discute pas. Pourtant, il faut maintenir qu’il est un parmi les autres et qu’il ne saurait supplanter les autres. Il n’y a pas plus d’urgence pour lui que pour les autres membres du personnel.
Par contre l’aumônier est spirituellement requis 24h / 24. Il porte dans son offrande le poids de la misère et l’accablement du mal, mais il ne vit pas à l’affût des urgences.
C’est l’hôpital qui urge, dans le sens où tout doit y concourir à la vie, même la mort ; cette démarche ne souffre ni retard, ni délai pour la société.
Il est le signe public de la primauté de l’homme. Voilà l’urgence !
16 juillet 1995
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