En 2005, Christian évoquait l’acte d’oraison en ces termes : « L’oraison ne relève ni de l’effort, ni de la recherche intellectuelle. Elle ne sollicite pas en premier l’intelligence, mais ne la nie pas, elle propose un regard désintéressé sur Dieu. Quelques mots, deux ou trois élévations, lui suffisent. Le silence l’épanouit, l’offrande la comble ».
Il lui sembla donc important de proposer à ces nombreux correspondants chaque jour, par mail, quelques mots en lien avec un verset de l’Evangile, mots de nature à favoriser élévation et méditation.
Ainsi, le 13 décembre 2013, en écho aux versets 16-19 du chapitre 11 de l’Evangile selon saint Matthieu : « À qui vais-je comparer cette génération ? Elle ressemble à des gamins assis sur les places, qui en interpellent d’autres en disant : “Nous vous avons joué de la flûte, et vous n’avez pas dansé. Nous avons chanté des lamentations, et vous ne vous êtes pas frappé la poitrine.” Jean Baptiste est venu, en effet ; il ne mange pas, il ne boit pas, et l’on dit : “C’est un possédé !” Le Fils de l’homme est venu ; il mange et il boit, et l’on dit : “Voilà un glouton et un ivrogne, un ami des publicains et des pécheurs.” Mais la sagesse de Dieu a été reconnue juste à travers ce qu’elle fait. », il écrivait :
Les blasés ne sont pas à l’aise dans le Royaume des cieux. Les grincheux qui regrettent le passé se fripent et, rongés de désolation, meurent secs comme des harengs saurs.
Le Christ dans sa venue ouvre tous les jours, l’avenir, le changement, la vie débordante.
Le Royaume des Cieux ressemble à des gamins joviaux qui chantent, jouent, mangent, boivent, sont amis de tous les gamins, vivent sur les places publiques. Même lorsqu’ils sont vieux, ils sont gamins, le baptême les a faits « enfants » de Dieu. Leur confiance les tient « jeunes » malgré le poids des ans et les rides de l’Histoire.
Monsieur Pierre Girard qui fut très « Honoré Père » de la Compagnie de Saint Sulpice nous disait, alors qu’il était supérieur du séminaire Saint Irénée : « Messieurs, en cas de surcharge, laissez votre bréviaire et faites votre oraison ».
Après bien des années de ministère, je m’aperçois que l’oraison, telle que Jean de la Croix, Bérulle, François de Sales et bien d’autres plus près de nous, la définissaient, sauvegarde la souplesse de la spiritualité de plein vent.
L’oraison ne se confond ni avec la méditation de l’Ecriture, ni avec la lecture spirituelle.
Elle n’a pour but que d’aimer celui qui a pris l’initiative d’aimer.
Elle relève de l’acte de foi pure.
Souvent sans attrait, simple exercice de liberté, démarche d’amour filial, obéissance affectueuse, elle marie l’adoration et le temps.
Elle permet de laisser remonter en soi les « merci », les « encore », les « toujours », les « plus jamais ».
Quelques mots, deux ou trois élévations, lui suffisent. Le silence l’épanouit, l’offrande la comble.
Elle offre ce qu’elle reçoit et se place dans le sillage du Christ pour aller vers le Père.
Elle fait mémoire et ne se souvient pas.
Muette ou presque, riche en émotion ou sèche comme un désert, son atout est le temps passé devant Dieu pour être disponible en renonçant à savoir ce qui va être donné.
Plus tard, beaucoup plus tard, ou jamais, dans le mystère du temps, on connaîtra ses fruits.
Ses sources sont cachées mais réelles.
C’est une décision – un engagement d’amour.