« L’action concertée pour diffuser une doctrine ne suffit pas. Il faut qu’elle s’articule avec des « actes » visibles et forts »
Sept ans après la Commune de Paris, au temps où, dans l’ombre, les grands anarchistes affûtaient en France leurs couteaux ou fabriquaient des bombes, un bulletin révolutionnaire du Jura expliquait que quatre moyens sont à la disposition des militants pour la diffusion de la pensée :
L’action concertée pour diffuser une doctrine ne suffit pas. Il faut qu’elle s’articule avec des « actes » visibles et forts. L’idéologie s’essouffle si le fait ne l’appuie pas. On sait la suite. Ravachol, Henry, Meunier, Caserio, Vaillant, Leauthier, Marpeaux se distinguent par des attentats. Ils meurent sur l’échafaud ou s’épuisent au bagne. Ils veulent « exposer » leur doctrine en s’exposant à la peine capitale. Pour lutter contre ce qu’ils jugent l’aliénation des « pauvres » par les « riches », ils visent les personnes-symboles de la société possédante. Ils tuent pour ébranler le pouvoir et rétablir la justice aliénée. Leur logique sent le souffre mais leur courage ne manque pas de grandeur. Sur le moment, les « lois scélérates » et les « brigades du Tigre » endigueront l’anarchie.
A parcourir l’histoire et à méditer sur les événements du monde, on découvre qu’il suffit d’une poignée d’hommes résolus pour ouvrir une brèche dans l’opinion satisfaite et orienter la marche des siècles. Je ne veux pas du tout faire l’apologie du crime, mais je dois souligner la place déterminante de ceux et de celles qui donnent leur vie. Bienheureux sont-ils s’ils choisissent la paix, la prière et le courage de l’Evangile au quotidien !
Pour gagner le combat de la liberté intérieure, de la douceur, de la justice, de la vérité, de la simplicité, le monde a besoin des entêtés du « sermon sur la montagne ». Les béatitudes du Christ seront connues si, de décennies en décennies, des disciples pacifiques inscrivent dans les faits de l’existence banale l’actualité du prédicateur de Nazareth et de ses quelques compagnons.
Dans les « choses » de Dieu, parce qu’elles se vivent dans le monde,
ne suffisent pas. L’Evangile requiert le témoignage par l’action durable et désarmante de pauvreté.
Au carrefour du monde, tels que le service social, l’hôpital ou l’école, il y a une place, non pas pour les « grands couteaux » ou les « bateleurs », mais pour quelques irréductibles affamés de Justice. Ils n’ont rien à proposer et ne veulent convaincre personne. Ils tentent de se convertir eux-mêmes.
10 juillet 1995
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