On aime sa compagnie ; lui, on l’ignore

« Il ouvre à l’infini et n’attache pas à lui »

Nous parlons d’un garçon brillant que tout intéresse et qui réussit en tout. Il est ardent, il brûle, il fascine. On aime le rencontrer parce qu’il apporte beaucoup. Il est charmant. Avec lui, on est sous le charme de la délicatesse intelligente. Sa vie interroge et les questions qu’ils posent arrivent à point nommé. On aimerait les avoir trouvées tout seul.

Mais, dit-on, on l’aime par le don qu’il apporte et non pour lui-même. On recherche sa compagnie parce qu’elle donne du relief et efface la langueur de la monotonie. Mais lui se débat dans une solitude affective. Il gère mal (ou même pas du tout) l’excellence de sa personnalité. La face interne de son « être pour les autres » le désole. Il a besoin de consolation pour vivre et il lui semble que personne ne l’aime. Il dérive dans la grandeur, la profondeur, la largeur, la hauteur de ses remarques pertinentes, de ses réflexions sagaces, de ses propos intéressants. Il ouvre à l’infini et n’attache pas à lui.

Acceptera-t-il ce don supérieur ? Ou se lassera-t-il d’être aux travaux forcés pour mettre à jour ce qu’il porte en lui ? Osera-t-il avancer dans le désœuvrement, synonyme de « grand large » ?

Qui pourra accéder jusqu’à lui ? Peut-il aimer comme tout le monde sans se réduire ? Sa personnalité est-elle en soi vocation ? La virginité choisie pour un vis-à-vis spirituel avec Dieu semble sa seule issue pour lui. Il touche à l’assomption. Il en est ainsi des vrais poètes et des philosophes. ils transcendent et habitent déjà au ciel, au-delà de la nuée.

Y a-t-il pour certains (certaines) une telle amplitude que les amours ordinaires, religieuses ou conjugales sont trop étroites ? Les mystiques entrent dans la paix en assumant à pleins bords l’étrangeté de leurs vies : en aimant ce qu’ils sont comme un  don de Dieu.