« Tapi dans la grotte du progrès et de la technique cybernétique, l’écart entre nos mentalités n’est pas spatial mais culturel »
Tout à coup, l’envie m’a pris de participer à la Fête de la musique. Être avec tout le monde dans la rue pour, sinon converser, au moins pour accueillir ensemble la fête subtile que nous offrent les musiciens.
Je me dirige vers le kiosque de la place Ambroise Courtois. Deux pauvres bougres sans public s’époumonaient sous le chapiteau en zinc 1910. Vers la pâtisserie, sur des tréteaux, un Jazz-band crachait des décibels. Dans la fosse du métro, un orchestre puissant entraînait les badauds sur un rythme endiablé.
Depuis 1910, l’orphéon municipal subventionné par les « Lumière » s’était éteint. Avec eux, deux pauvres diables avaient échappé à l’ensevelissement de la nuit noire. Jeunes en grappe, yeux pétillants, jambes frémissantes, se penchaient pour voir et entendre la nouveauté-métro. L’harmonie avait fui le kiosque de la place et s’était réfugiée, informe, dans le « sous-terre » de la modernité. Là, elle éclatait pour le bonheur des passants qui s’arrêtaient pour « voir » des notes qui éclataient au ras du sol. Le bruit montait des entrailles de la terre. Un volcan.
Je suis rentré chez moi, ni triste, ni gaillardet, mais à la limite de la stupéfaction.
Ce n’est pas étonnant que je n’ai pas de dialogue avec les jeunes. Ils ne sont pas là où je les cherche. Je pensais les trouver au centre de la place, ils étaient en tas dans un trou qui ressemble à la fosse aux lions du zoo de Vincennes.
Tapi dans la grotte du progrès et de la technique cybernétique, l’écart entre nos mentalités n’est pas spatial mais culturel.
Tout se passe dans le souterrain au bord d’une voie où roule un métro sans conducteur.
24 juin 1995
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