Encore une fois, nous nous chipotons avec de jeunes infirmières qui gémissent et qui se traînent comme si elles étaient la quintessence des damnés de la terre et des forçats de la faim.
Bien sûr, elles ont un métier usant. Il est certain même qu’elles sont, sous un certain angle, exploitées et qu’on leur fait subir, parfois, le chantage au dévouement.
Il est clair que leur métier est psychologiquement et nerveusement usant. Mais, de grâce, qu’elles ne nous rebattent pas les oreilles comme si elles seules étaient dans la pire des conditions prolétariennes. C’est faux, archi-faux !!!
Elles ne sont pas trop mal payées.
Elles arrivent souvent à accommoder leurs horaires, ce qui n’est pas toujours vrai pour le personnel de service !
Avec quelques heures supplémentaires, comprises dans leur roulement, elles dégagent de longs congés et on les retrouve, les unes au Maroc, les autres à Amsterdam, les troisièmes au Sahara…
Rapidement, elles ont une voiture – et c’est bien nécessaire – car elles sortent tard le soir et ont peur de se faire agresser ! Mais l’automobile permet aussi des journées de ski tonifiantes et reposantes.
Elles travaillent quelquefois le dimanche et les couples sont réunis plus rarement que d’autres pour les week-ends, mais c’est le cas aussi des employés de l’EDF et de la SNCF, des routiers et des ouvriers qui travaillent en 3/8…
Elles font des nuits, mais elles veulent rester sous le drapeau de l’astreinte pour toucher 80 francs, pouvoir faire matin-soir-matin et grouper les congés.
Bref, ce n’est pas moi qui dirais que leur vie est facile. Je les connais et j’ai trop d’affection pour elles ! Mais je ne peux plus supporter que leur terrain de lutte politique ou syndicale soit contestable. Quand il faut se battre, il faut choisir le terrain pour remporter la victoire !
Mais il y a aussi, derrière mon propos, quelque chose qui nous dépasse chacun et tous. C’est une nouvelle conception de la santé et la médicalisation de la société.
En effet, le nombre des soignants a considérablement augmenté. Peut-être même doublé ! Mais les thérapeutiques se sont compliquées à un degré tel que les services tournent de plus en plus vite.
Comme tous les gens, les infirmières sont victimes de la grande peur du XXème siècle, mais nous ne sommes pas du même côté de la barrière ! Ce sont les mêmes causes qui produisent, ici ou là, des effets différents.
19 mai 1978
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