La formation alibi

Il y a vingt ans, on parlait déjà abondamment du malaise des assistantes aociales.

Il y a vingt ans, commençaient à s’élaborer les premières structures professionnelles de ce qui avait été une simple présence aux « rejetés » de la société.

Il y a vingt ans, on commençait à parler de case-work et de dynamique de groupe.

Il y a vingt ans, le « service » social n’était pas encore le « travail » social et il cherchait déjà, avec inquiétude, le « comment » de son exercice.

Quand il a eu trouvé les quelques éléments de ce « comment », il ne s’est plus souvenu du « pour quoi » et encore moins du « pour qui » !

Plus enflaient les moyens, plus disparaissaient les finalités !

Longtemps on a cru – et l’on croit peut-être toujours – qu’il suffit de mettre au point des instruments pour que le travail se fasse. Mais si l’on ne sait pas dans quel but ont été forgés les outils, ils restent inemployés sur l’établi et tous les recyclages du monde ne servent à rien. Si les fabricants ne savent pas pour quelle tâche ils ont dessiné, fondu et mis en service les outils, comment les « utilisateurs » le sauraient-ils ?

Plus les moyens nouveaux utilisés par les travailleurs sociaux se perfectionnent, plus le « malaise » s’accroît. Les assistantes sociales ont une panoplie à leur disposition, mais elle est vaine !

Pour finir, le malaise n’est ni professionnel, ni politique, ni social, ni psychologique.

La dynamique de groupe, la bioénergie et autres méthodes pour mieux communiquer, ne peuvent pas grand’ chose !

Les réunions, les sessions sont inutiles et laissent le goût du temps perdu.

Les conventions de stages qui suscitent l’énergie « scribatoire » des étudiants et les trépignements énervés des professionnels ne sont que chiffons de papier !

Les formations multiples et répétées ne font qu’ajouter au dérisoire et brouillent les quelques certitudes simplistes des professionnels chevronnés.

Tout cela bout comme la marmite à Denis Papin.

Mais l’on n’a pas encore réussi à canaliser la vapeur pour faire marcher la machine !

Pour qui ?

Pour quoi ?

C’est le secret du « Service » social mais, osons le dire, ce n’est alors ni un métier, ni une profession. C’est une manière d’être dans la société qui demande un engagement de « tout-l’être » et non pas de « tout-le-temps » des travailleurs sociaux.

Le malaise vient de ce qu’on a voulu le réduire à une profession, alors que c’est un service sans illusion, de quelques heures par semaine, que des personnes s’engagent à faire, moyennant finances, pour aider une société à réussir le moins mal possible.

Le malaise naît d’une volonté de définir une tâche indéfinissable et sans limites.

Le malaise augmente avec les questions sur le « comment ». Il diminue lorsque, tant bien que mal, se vit – quarante heures par semaine – une présence discrète et désarmée.