L’autre jour, Marcelle et Anne-Marie racontaient qu’elles étaient allées corriger des travaux écrits dans une école d’assistants sociaux.
Ces femmes sont loin d’être des éteignoirs. Elles sont mêmes favorables au dynamisme des jeunes et pourtant, s’il faut croire ce que j’ai entendu, elles sont revenues, après cet après-midi, avec une effroyable tristesse !
Les étudiants étaient, paraît-il, désabusés. Lorsqu’ils ont eu égrené trois slogans, et certains même n’en savaient que deux, ils se sont trouvés à court pour expliquer les mécanismes complexes de la société dans laquelle ils auraient à exercer leur profession.
Tout se passait comme s’ils n’avaient aucune envie de se confronter à la réalité ; ils vivaient d’un mythe et rien ne semblait les intéresser.
A bon droit, on peut se demander ce que ces jeunes vont devenir dans le concret d’une profession à exercer !
Ils risquent de n’embrayer dans rien et de ne se retrouver à l’aise que dans les pures créations de leur imagination. Pour tenir, ils devront suivre alors, de mois en mois, une formation qui les maintiendra éloignés d’une population marquée par les difficultés et les plaies d’une société mal urbanisée et mal industrialisée. L’idéologie, qui est toujours à la taille du cerveau qui la pense, sera alors leur lieu de consolation.
Comme Marcelle et Anne-Marie je suis décontenancé et ne sais pas par quel bout prendre ces jeunes qui croient savoir et qui se meuvent avec aisance partout, sauf dans le réel et quand on parle avec eux, ils essaient même de vous montrer que la réalité n’est pas le concret, mais bien l’idée que l’on en a.
La méprise est grande ; je pense que le seul remède serait que, dans les écoles, on quitte rapidement la psychologie délirante et la sociologie factice pour tenter une lecture historique des phénomènes contemporains.
Je pense que les sciences humaines font un tout et que si sociologie et psychologie ne sont pas complétées par histoire et philosophie, elles sont folles et aliènent ceux qui s’y essaient.
Ne faudrait-il pas que nous osions le crier très fort et proposer à tous ces jeunes la connaissance historique des mécanismes sociaux ?
22 mai 1978
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