15. « Autrement » : la vie et l’action syndicales

Je ne fus jamais syndiqué.

Je n’ai connu la vie et l’action syndicales que par le récit de mes amis militants. Joyeux et acharnés, ils me racontaient les péripéties de leurs combats. Quelquefois, leur déception et, souvent, leur enthousiasme animaient nos conversations.

Pendant de nombreuses années, ils m’ont invité à partager la grandeur de leur action désintéressée et d’autant plus efficace parce que libre. En eux, une solidarité amoureuse du peuple dont ils partageaient la vie m’a ouvert les yeux et d’une certaine manière a marqué profondément mon ministère.

Suzanne Maritoux. La première personne que j’ai rencontrée vers l’année 1956. Née dans une famille bourgeoise, son père, médecin généraliste dans un milieu rural, l’avait nourrie de son amour des pauvres gens qui menaient une existence souffreteuse dans l’isolement.

Suzanne Maritoux n’était pas pauvre financièrement, mais elle a partagé la vie des pauvres et a résolu d’œuvrer à l’espoir d’une promotion collective. Sage-femme, elle exerçait son métier dans une clinique privée. Rapidement, elle entra aux HCL. Elle contribua à faire naître une section syndicale CFTC, puis CFDT. Ce ne fut pas une mince affaire.

Elle travailla de nuit pour être disponible une grande partie du jour afin de mieux soutenir l’action syndicale.

Ce n’est pas la vie de Suzanne que je raconte, mais sa ferveur pour ce qu’elle appelait la dignité de tous. 

A sa retraite, elle habita dans l’Ain où, avec Pierre Mandel, ils suscitèrent une ‘action’ régionale. Je cite dans les lignes ci-dessous un bref résumé de l’esprit qui les habitait et dont ils m’avaient fait part :

    « La Démocratie est en crise. Les citoyens ne se satisfont plus de donner leur avis aux seules échéances électorales et de rester sans voix pour le reste du temps. Le système parlementaire ne suffit plus à assurer une démocratie acceptable. L’opinion publique se défoule avec le « tous pourris » et cherche ses valeurs, ses modèles, à la télévision, expression du système dominant. Il faut redonner la parole au peuple ! »

Suzanne mourut à l’hôpital des Charpennes dans une salle commune.

Avec Jacques Pouzache qui, après des années de militantisme dans une entreprise lyonnaise, devint président de l’UD-CFDT. Il m’invitait souvent à prendre le repas du soir dans sa famille où nous parlions jusqu’à ce que le sommeil, au bord des yeux, me fasse pressentir qu’il était temps que je regagne mon domicile.

Avec Colette Manger, vice-présidente de l’UD-CFDT, assistante sociale de formation juridique. Elle me fit comprendre un autre aspect de la vie syndicale. Une sorte de militantisme plus politique et constitutionnel.

Avec tant d’autres que j’ai eu la joie et le privilège de rencontrer…

Ma vie avec tout un monde que j’ignorais me fit découvrir et aimer un peuple passionné de promotion collective. Prenant son destin en main en n’oubliant personne.

Donner sens autrement

17 juillet 2021