Après deux ans en philosophie, j’arrive à Saint Irénée pour quatre années de théologie.
Comme ma santé précaire m’a dispensé du service militaire, je ferai six ans à la suite.
Je ne regrette pas ces longues années. Elles m’ont formé. C’est une sorte de rupture avec le passé et le début d’une nouvelle vie. Elles me mettent au monde autrement.
Je suis modelé par une empreinte sulpicienne qui courra tout au long de mon existence.
Je retiens quelques points essentiels pour le moment.
La solitude dans une chambre austère. Nul n’a le droit d’y pénétrer. Si l’on a quelque chose à me dire, on demandera la permission de me parler et on restera sur le pas de la porte, pas plus de quelques minutes. Que faire en ce lieu sinon se confronter à soi-même et y puiser une force donnée par l’Esprit ?
Travail d’étudiant, lecture de la Bible et de la vie des saints ou des maîtres spirituels comme Bérulle. Essai d’écriture à partir des volumes de Migne. Correspondance rare, pas de lettre inutile !
A cet aspect majuscule de solitude se joint une vie communautaire intense. Chapelle, salle de cours, salle des exercices pour l’oraison et les lectures spirituelles données par le supérieur, parloir pour des visites courtes, récréations avec d’autres pour rendre service à la bonne marche de la maison.
Pour moi, je fus affecté à l’atelier de « polycopie ». J’en devins « responsable ». S’instaura un lieu d’amitié et on grilla des cigarettes, la fenêtre étant ouverte et la porte bien fermée à clef.
La vie intellectuelle était rudimentaire et consciencieuse. On écoutait et prenait des notes.
Parmi une petite dizaine d’intervenants, deux m’ont particulièrement marqué : Henri Denis qui enseigna plus tard la théologie à la Catho et Monsieur Picard, sulpicien, qui tenta de nous faire entrer dans une lumière mystique.
Le séminaire était très lié à l’évêque de Lyon et au diocèse. Le supérieur était de droit une sorte de vicaire général et participait, toutes les semaines, au conseil épiscopal à l’archevêché.
Avec l’avis de notre directeur spirituel personnel, nous demandions par écrit à recevoir tonsure, ordres mineurs et les trois ordres majeurs. Monsieur Héraud, sur le pas de la porte de notre chambre nous donnait la réponse du conseil du séminaire.
Avant l’ordination, le Cardinal venait rencontrer ceux qu’il ordonnerait le 29 Juin. Nous étions quarante-huit dans mon année. Autant dire que l’entretien était bref. En principe, l’archevêque esquissait les contours de notre premier poste.
Pour moi, je devais être « surveillant » à Leidrade et préparer une licence de théologie à la Catho. Il n’en fut rien. Je fus nommé vicaire à la paroisse de Bellecombe. Je découvris que c’était une paroisse de Lyon sixième arrondissement, dont le territoire était frontalier avec le diocèse de Grenoble dont Villeurbanne dépendait.
Là commencerait la cinquième étape d’ »Autrement ».
1 juillet 2021
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