3. « Autrement » : troisième étape

Elle dura six ans. Deux années en Philo, quatre années en Théo.

Le jeudi de la première semaine d’octobre 1948, après une matinée de chasse avec Bats-les-Herbes, je rentrai au Grand Séminaire.

Je débarquai à Saint Joseph pour me former pendant deux ans à la philosophie, avant de rejoindre Saint Irénée pour les quatre années de théologie.

On me désigna ma chambre, simple, avec cuvette et broc pour faire la toilette, un lit sans drap, une table, une chaise. Mais la fenêtre s’ouvrait sur un large horizon : Francheville le bas, Francheville le haut, le Chatelard, puis, au fond, les collines qui grimpaient jusqu’au Pilat.

Je fis mon lit avec les draps de mon trousseau, puis je grillais une dernière cigarette. Pour moi commençait l’inconnu et une sorte d’austérité.

Le soir commença par une « lecture spirituelle » faite par le supérieur Max Lemoine.

Puis repas dans un vaste réfectoire qui réunissait à peu près plus de cent-vingt étudiants. D’un côté, une estrade avec la table des « professeurs », tous prêtres. En face, ce que j’appris à nommer : le « benon », sorte de chaire pour lire pendant le repas en silence. Je compris plus tard que ce meuble étrange servait aux séminaristes pour qu’ils apprennent tour à tour à lire à haute voix devant un public.

En silence, nous allâmes à la chapelle pour chanter Complies. Cette prière du soir en latin me charma. Elle était belle et douce.

Quand le moment fut venu, je montai dans ma chambre et dormis.

Je fus réveillé à six heures par quelqu’un qui frappait vigoureusement à ma porte. Quelques jours plus tard, j’ai appris qu’il fallait répondre à cette injonction tapageuse : « Deo Gratias ».

Toilette de « chat » dans la cuvette.

En route pour l’oraison d’une demi-heure ponctuée par des phrases spirituelles que disait un des professeurs.

Durant ces premières heures, la découverte fut absolue.

Demain, je dépasserai mes premiers ébahissements pour expliciter cette nouvelle vie et donner mon point de vue avec ma mentalité actuelle.