Vers les années 1954, j’avais connu dans mon ministère auprès de l’hôpital des Charmettes une élève infirmière qui épousa plus tard un jeune agriculteur, fils d’un propriétaire terrien de Saône-et-Loire du canton de Saint-Bonnet-de-Joux.
Les hasards de la vie me firent rencontrer plus tard ce couple charmant. Notre amitié se renforça par la passion de la chasse que je partageais avec l’époux. Je fus invité à quelques escapades pour tirer lapins, perdrix et lièvres dans les bois, prés, cultures, landes, haies d’un vaste domaine s’étendant sur plusieurs centaines d’hectares.
Un pays de Cocagne ! A cette époque, aucune route goudronnée n’aboutissait à la ferme et à la maison de maître. Lorsque la joie de l’amitié me conduisait chez eux, je reluquais avec concupiscence ces terrains d’un seul tenant giboyeux à souhait.
J’eus l’idée de créer avec mes amis une petite « société de chasse ». J’y associais mes trois compagnons. Mon ami trouva aussi trois partenaires. Nous étions donc huit à parcourir ce merveilleux territoire réparti sur plusieurs communes.
Rapidement, tout le monde entra en relation. Nous étions faits pour nous entendre. Tout allait bien…
Mes amis agriculteurs avaient accueilli pour quelques mois un adolescent de la DDASS. Ne sachant pas son nom, mes compagnons et moi l’appelions « Beaucroissant », sobriquet singulier et amical qui trouvait son origine dans le fait que, lorsque nous allions fureter, il nous accompagnait armé d’un croissant pour couper les ronces et dégager les trous des terriers. Ce jeune garçon sympathique mettait d’autant plus d’ardeur à débroussailler que, le soir, nous lui glissions quelques pièces pour ces bons et loyaux services.
Un jour que nous étions sur les « balmes », Beaucroissant faisait son office avec vigueur. Malheureusement, un chien se faufila dans le « roncier » et le « croissant » s’abattit sur le « breton » d’un compagnon. Hurlement de douleur de la bête, jurons du propriétaire, stupéfaction de tous.
Beaucroissant honteux, s’enfuit en courant, se réfugia dans sa chambre. Le chien saignait. Il était entamé, mais pas gravement mutilé.
Le furetage de ce jour se termina ainsi. Nous sommes rentrés prestement à Lyon en faisant un détour par Neuville pour, chez un vétérinaire, faire mettre trois agrafes au « Itou ».
Nous ne revîmes jamais « Beaucroissant ». Quelques jours après, il changea de stage, mais son souvenir sympathique reste vivant en nous.
17 décembre 2004
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