Le mercredi 11 septembre 2002 en début d’après midi, la chaîne parlementaire française a diffusé en direct la séance du Congrès américain qui se réunissait exceptionnellement à New-York pour commémorer les attentats qui ont blessé l’Amérique et le monde, en frappant les deux tours jumelles et le Pentagone.
J’ai regardé cette séance solennelle pleine d’émotion et de grandeur. J’ai été saisi et, pourtant, j’ai ressenti au fond de moi-même une curiosité amusée, tant les représentants de la démocratie semblaient se figer dans un jeu, en même temps, grave et superficiel. Un irréel enfantin flottait dans l’air. On aurait dit des gamins d’un grand groupe scolaire célébrant un anniversaire. Les sénateurs et les représentants d’un grand peuple se souvenaient de l’éminente liberté des Etats-Unis.
La séance a commencé par une prière prononcée par l’aumônier du Parlement. Dieu et la société civile paraissaient liés au point de ne pouvoir se séparer dans ce souvenir tragique. Ensuite, j’ai vu le serment au drapeau. Tous les membres du Congrès et leurs invités ont prononcé lentement, avec piété et dévotion, les paroles consécratoires de la fidélité.
Puis une cantatrice, sans doute célèbre dans son pays, chanta d’une voix magnifique l’hymne américain.Presque tous les parlementaires, les yeux baissés, laissaient passer sur leurs lèvres les accents de l’Union.Après, on « montra » la plaque qui serait placée sur le lieu où périr trois mille personnes. J’ai assisté à une liturgie étonnante. Quelques phrases rodent encore dans ma mémoire. Elles cognent encore dans mon cœur :
J’ai passé à une autre occupation. Je n’ai pas vu la fin de la cérémonie mais, quarante-huit heures après, je suis encore plein d’irritation, de stupeur et d’admiration. Comment se fait-il qu’un peuple trouve une telle unanimité pour proclamer sans l’ombre d’un doute que seule la Providence le dépasse et qu’il reçoit d’elle la mission de promouvoir la liberté pour tous les hommes de bonne volonté ?
Une telle confusion m’a paru à la fois exorbitante et délicieuse. Mon étonnement demeure. Je n’ai toujours pas trouvé une explication à cette suffisance naïve.
A y bien réfléchir, la « légende » des Etats-Unis fait leur force. A partir de leur histoire, peut être parce qu’ils n’avaient pas un long passé, ils se sont créé un mythe. Leur utopie les protége du doute. Ils ne craignent personne et s’arrogent tous les droits puisqu’ils se croient les Anges du Bon Droit ou les Chevaliers de Dieu.
Les Etats-Unis d’Amérique ressemblent au colosse aux pieds d’argile. Ils viennent de subir une première atteinte sur leur territoire. Cet anniversaire commémoratif prend l’aspect d’une purification et renforce leur puissance illusoire et réelle.
Je préfère encore la faiblesse de la vieille Europe. Trop de sagesse l’habite pour se confondre avec Dieu, trop de divisions et de guerres l’ont déchirée pour être unanime, la langue des peuples qui la constituent, signifie sa difficile solidarité mais, malgré tout, elle apprend à ne faire qu’un dans l’humilité et la patience. Son impuissance est si évidente qu’elle ne peut sombrer dans la présomption de ses amis américains.
13 septembre 2002
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