Luc 2, 34

Il obligera à choisir 

Saint Luc prête au vieillard Syméon des paroles prophétiques. Ont-elles été prononcées telles quelles ou lui ont-elles été attribuées soixante-dix ans après la naissance de Jésus, comme un message important venu de la sagesse du Temple et des mystiques de l’Ancien Testament ? Je ne sais !

Mais la parole de l’évangéliste et le témoignage des premières communautés chrétiennes m’invitent à croire que la venue de Jésus, Fils de Dieu, envoyé sur notre terre, ne peut qu’obliger à nous situer en notre âme et conscience vis-à-vis du Verbe et de la Bonne Nouvelle qu’il prononce pour toujours et pour tous, tout en vivant au sein du peuple juif, au temps d’Hérode.

Ce qui commence avec Jésus va se transmettre de siècle en siècle à travers les différentes cultures. Lorsque, par des témoins pétris de foi évangélique, les humains entendront et verront la proposition du Messie en paroles et en actes, alors, ils devront se situer vis-à-vis d’elle : ils la refuseront, la combattront, l’accueilleront, changeront leur vie, mais ils ne pourront pas rester impassibles.

C’est en ce sens que j’entends Syméon dire à Marie : « Ton fils sera un signe de division… Ainsi seront dévoilées les pensées secrètes d’un grand nombre ». La personne de Jésus, sa vie, sa mission, son message, sa bienfaisance, sa mort, son offrande, sa résurrection, sa présence promise à ceux et celles qui se réunissent en son nom (et qui bouleversent leur existence à cause de lui), provoquent un choix et une détermination, c’est-à-dire une division, une rupture, un retournement, une conversion ou, à l’inverse, une libre décision d’indifférence, voire de rejet ou d’hostilité.

Rencontrer à travers des témoignages individuels ou communautaires, paisibles, profonds et heureux, la mystérieuse présence du Christ, suscite presque toujours :

Admettre pour véridique et actuelle la rencontre du Seigneur change tout au cœur de l’homme. Même si l’existence journalière continue dans son exercice habituel, tout est neuf. La banalité n’est plus grisâtre, mais sa monotonie prend des allures de soleil levant.

Ce choix entraîne déchirement, rupture, division. Il conduit vers une autre manière de se situer au sein des vicissitudes quotidiennes. Surgiront parfois des luttes et des souffrances. La fidélité, en effet, n’est pas toujours dans l’immédiat une partie de plaisir, surtout si, désirée par-dessus tout, elle conduit à des renoncements !

Suivre le Christ n’est pas seulement un savoir, mais surtout une marche concrète dans les rudes réalités du monde. Elle contraint à l’affrontement et à l’onéreuse persévérance. Là aussi, il faut compter avec la division douloureuse qu’imposent les choix de la justice, de la bonté, de la disponibilité offerte, du service désintéressé…

Un jour, Jésus dira : «  Que ton Oui soit Oui, que ton Non soit Non » (Mt 5, 37).

Saint Paul ajoutera dans la deuxième lettre aux Corinthiens : « Le langage que nous vous parlons n’est pas à la fois ‘oui’ et ‘non’ » (2 Co 1, 18).

Même fragiles et vulnérables, nos choix sont essentiels. Ils manifestent notre division mais, en même temps, la liberté, condition première de notre foi et notre amour.