L’année1958 marque une rupture et une nouveauté qui, au fil des ans, me comblent, me rendent heureux et sans doute m’affermissent dans mon amour de l’Église.
Les « choses » se succèdent, s’emboîtent, se développent et me tiennent en haleine. Aujourd’hui, je vois ce parcours comme un cadeau somptueux.
En 1958 donc, le Cardinal Gerlier me fait dire qu’il désire me voir. Je vais à l’archevêché. Mon évêque me dit : « On vous demande à Paris pour participer à la création d’un nouveau mouvement d’action Catholique dans les professions de Santé. Vous seriez adjoint du Père Paul Huot Pleuroux, professeur au grand Séminaire de Besançon, qui sera à la fois aumônier national de l’UCSS et du nouveau mouvement. Une dizaine d’infirmières et d’assistantes sociales ont pris l’initiative de cette création. Accepteriez-vous de les aider ? »
J’accepte.
Quelques jours après, sur le quai de la Gare de Dijon, j’ai rendez-vous avec Paul que je ne connaissais pas. Nous resterons ami intime jusqu’à sa mort récente.
Avec Anne-Marie Hourcailloux et d’autres jeunes femmes, non sans peine, nous jetons les bases de ce mouvement d’action catholique qui s’appellera ACMSS. En deux ans, il deviendra adulte et aura son siège dans le 16ème arrondissement près de Notre Dame de Passy où logera Paul.
Rapidement je devins aumônier national adjoint à mi-temps entre Paris et Lyon de l’UCSS et de l’ACMSS. J’ai gardé cette fonction au moins pendant cinq ans.
Elle m’a marqué durablement par trois activités totalement innovantes pour moi :
L’autre mi-temps à Lyon fut initiée par ma nomination à l’équipe diocésaine de la Direction des œuvres. Avec la dizaine d’autres confrères, nous avons quitté la rue Mulet pour le Six, avenue A.Max.
Les responsables de l’équipe furent l’un après l’autre Michel Vial et Gabriel Matagrin. Le premier devint évêque de Nevers puis de Nantes, le deuxième évêque de Grenoble. Ce furent pour moi deux ‘maîtres’ inoubliables.
Dans le diocèse de Lyon, Mgr Jean Villot devient auxiliaire du Cardinal Gerlier.
Pendant le Concile Vatican II, le Pape lui confie un poste important : il doit aider le cardinal Félici. Mgr Villot m’invite pour une semaine à être Visiteur Auditeur à la ‘Aula’.
Paul Huot Pleuroux est invité en même temps que moi. Nous nous rendons ensemble à Rome.
Émotion à Saint Pierre.
Nous profitons de ce séjour pour rencontrer à nouveau nombre d’évêques français que nous avions déjà visités dans leur diocèse. Nous parlons derechef des personnels des milieux sanitaires et sociaux, de leur place dans la société, de leur rôle auprès des fragiles.
Cette semaine conciliaire fut très importante pour Paul et pour moi
Après la mort du Cardinal Gerlier, Monseigneur Villot coadjuteur lui succède.
Il me demande de susciter une fonction de « Secrétaire de la pastorale diocésaine ». Il me donne quelques grandes lignes de son intuition et d’une certaine manière me conseille d’innover.
Sa confiance me stupéfie. Heureusement que je peux compter sur l’aide précieuse et efficace de Gabriel Matagrin. Nos deux bureaux sont voisins et il y a même une porte qui communique de l’un à l’autre. Avec lui, je m’initie à la Pastorale de la ville et à la sociologie des réseaux urbains. Cette nomination et cette proximité infléchiront tout mon avenir ministériel.
Jean Villot est institué Cardinal. Le pape l’appelle à Rome. Matagrin devient évêque. Quelque temps après, il partira à Grenoble. Il aurait bien aimé que je le suive. Trop de choses me retenaient à Lyon. Avec quelques laïques, nous jetions déjà les bases de ce que l’on appellera plus tard la « Pastorale de la Santé ».
Monseigneur Alexandre Renard devint Archevêque de Lyon. Bien ou mal conseillé, il supprima la fonction de Secrétaire de la pastorale diocésaine et m’invite à susciter dans le diocèse la Pastorale Familiale.
Mon intuition me guida vers Emma Gounot ; nous réfléchissons ensemble sur ce que pourrait-être la Pastorale Familiale dans le diocèse et la région. Emma était déjà prof à la Catho et nous décidons d’aller voir le Recteur pour lui soumettre l’idée de créer « un institut des Sciences de la famille ». Plus tard, avec Marie Albert Bellet et Albert Desserprit, nous créons « Vie et Famille » et établissons un centre de conseil conjugal avec un médecin gynécologue, une sage femme et des travailleurs sociaux. Nous l’implantons à Saint Priest.
Dans le même temps, les « Régions Apostoliques » se dessinent et prennent corps en France. Les évêques du Centre-Est me demandent de faire fonctionner leur secrétariat. J’ai occupé cette charge pendant plus de dix ans. Elle me valut de participer comme observateur aux réunions annuelles de la Conférence épiscopale à Lourdes et d’accompagner les évêques du Centre-Est à Rome pour deux de leurs visites ad Limina. Je connais de mieux en mieux la vie et les soucis du ministère épiscopal et les arcanes romaines.
Mgr Renard me permet de prendre un appartement dans le quartier des hôpitaux, des facultés de médecine et de trois écoles préparant au diplôme d’infirmier. Pendant plus de trente ans, j’ai vécu seul rue Laënnec qui s’appellera plus tard rue Bullukian.
Le Cardinal Renard, fatigué, donne sa démission ; Mgr Albert Decourtray lui succède. Sous ces deux pontificats, j’ai eu la chance de participer à Paris à deux commissions épiscopales. La « commission sociale » au titre de secrétaire de la section Santé et ensuite de membre ; la commission des affaires scolaires et universitaire pendant deux ans.
À Paris, j’ai appris comment fonctionnait un groupe de relecture de la modernité sociétale auquel, malgré mon ignorance, je participais avec une vingtaine de personnes laïques et religieuses acteurs éminents dans la société moderne qui surgissait. À la commission « sociale », nous appelions ce groupe le ‘radar’. Plus tard à Lyon, pendant plusieurs années, je confectionnais un « outil » analogue. Les résultats positifs dépassèrent mon espérance…
L’arrivée à Lyon, comme archevêque, d’Albert Decourtray, à peine guéri d’un cancer de la gorge, ouvre pour moi une nouvelle étape. Il me confirme dans mes précédents ministères et me propose de siéger au conseil épiscopal au titre de « délégué diocésain à la pastorale de la Santé ».
Après plusieurs années, je deviens vicaire général, puis vicaire général coordinateur. Je quitte ma fonction de délégué à la pastorale de la Santé. Une laïque, jeune femme infirmière, assistante sociale, doctorante en philosophie, me succède. Elle siégera de plein droit au conseil de l’archevêque et à l’équipe des nominations dont je suis responsable. C’est la première fois qu’à Lyon et peut-être en France, qu’une femme laïque occupe ce genre de ministère hiérarchique.
Une confiance totale et réciproque s’établit entre Albert Decourtray et moi.
Nous organisons ensemble un synode diocésain. Un grand « MOMENT ».
Le « conseil presbyterium » prend un nouvel élan. Un « conseil diocésain de pastorale » voit le jour et cherche son fonctionnement.
Je tombe gravement malade. Mes jours sont en danger. Au bout de trois mois, je guéris mais reste diabétique. Je réintègre à temps plein mon vaste bureau de l’avenue Adolphe Max. Je crois aujourd’hui que d’avoir frôlé la mort a profondément modifié mon « Etre au Monde ».
C’est dans ces années que les Évêques ‘protecteurs’ de la Catho (de Dijon à Nice) demandèrent au Père Christian Ducoq, au Père François Rollin (tous deux de la faculté de théologie de Lyon) et à moi d’organiser chaque année une session où se retrouveraient, non seulement les évêques, mais aussi des théologiens des séminaires diocésains ainsi que des Grands Ténors Français de la Modernité. Les premières sessions eurent lieu à la Castille dans le diocèse de Toulon. Des jours de réflexions d’une grande et belle intensité.
Je dois noter un autre événement simple et discret mais important pour moi et qui me marqua beaucoup. Je fus invité à participer à une équipe de révision de vie composée de Gérard Huyghe, évêque d’Arras, Guy Riobé, évêque d’Orléans, André Fauchet, évêque de Troyes, Gabriel Matagrin, évêque de Grenoble, et son auxiliaire Michel Mondésert. Nous étions aussi trois prêtres diocésains membres de ce groupe étonnant : Pierre, Henri et moi.
Il faut que je mentionne ici quelques activités qui progressivement dans les cinquanreannées précédentes m’ouvrirent les yeux, l’intelligence et le cœur :
23 août 2024
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