Philosophie et société

Avec quelques amis, nous reparlons de la formation des élèves assistants sociaux et, plus particulièrement, de celle qui se dispense dans une école lyonnaise.

Quelle peut être la pédagogie pour préparer des jeunes hommes et des jeunes femmes, mariés ou célibataires, à se confronter tant aux drames professionnels qu’aux aberrations institutionnelles d’une population ?

Faut-il leur donner des trucs pour que, dans les dialogues, ils se protègent de l’agression d’une certaine misère ?

Faut-il leur donner des outils d’analyse sociologique, économique, politique, pour qu’ils puissent, à leur tour, sur le terrain, faire jouer les mécanismes et faire sauter les couvercles des ZUP hermétiques pour qu’elles débouchent dans une certaine liberté ?

Faut-il leur donner une culture philosophique et historique qui leur permette de comprendre les grands courants qui les entraînent, en même temps que tout le monde, à un rythme de plus en plus accéléré ?

Faut-il les dresser pour qu’ils appliquent les normes de l’Administration et encadrent une population afin qu’elle marche, plus ou moins volontairement, dans le sens des orientations nationales ?

Faut-il leur donner le plan du maquis de la Sécurité Sociale pour qu’ils puissent renseigner les usagers qui sont perdus au premier détour du sentier ?

On pourrait rajouter les « faut-il » et certainement que tout peut être utile à des travailleurs sociaux.

Mais voilà que la fameuse école dont nous parlons semble avoir renié toutes ces hypothèses et avoir inscrit en grosses lettres, au frontispice de son porche d’entrée : « Ici, on n’apprend rien et on devient tout ! »

Pendant trois ans, on laisse « mariner » des élèves entre eux ! Les cadres pédagogiques et les professeurs rajoutent tantôt une feuille de laurier, tantôt un brin de thym, deux gousses d’ail, quelques tranches d’oignons ou d’échalotes. Bref ! Un véritable court-bouillon !

Le tout cuit à petit feu. De temps en temps, des intervenants extérieurs viennent lever le couvercle pour voir si les élèves sont à point et, selon les appétits des uns ou des autres, le fumet est soit exécrable, soit prometteur !

Tout se passe à petit feu ! Le caquelon est en terre – ce qui augmente la fragilité – et on le manie avec précaution. Et dans cette lente ébullition, il se forme un certain nombre de gens !

Les graisses superflues fondent… Il ne reste que les squelettes, mais ceux qui ont les cartilages trop fragiles fondent avec, si bien que l’on risque de retirer des raves cuites. Mais il reste de rares et beaux morceaux de viande !

Curieuse pédagogie ! Mais est-elle vraiment aussi condamnable qu’on veut bien le dire ?

Elle est très risquée, mais au-delà des connaissances à acquérir, elle forme peut-être des personnalités à moins que, comme le pot-au-feu, ce bouillon de culture devienne une gelée tremblotante.

Mais au fait, je n’ai pas dit de quelle école il s’agissait !