Ch. 18 – La bécasse du Bugey

Chaque année, avant que les « naturels » des Hauts Plateaux ne deviennent souverainistes, Didier nous invitait, Paul et moi, là-haut, près du ciel, où les grives et les bécasses se reposent avant de poursuivre leur route vers le Sud.

En ce temps-là, les sylviculteurs de la Forêt Noire n’avaient pas encore achevé d’empoisonner les couvées de grives. Nous allions donc du côté de Corlier. Sur les pentes du Bugey, je vivais des joies aussi fortes qu’à Curtil-sous-Burnand, en Saône-et-Loire.

Des buissons et encore des buissons sur deux ou trois rangs à flanc de coteaux. Il suffisait de se poster vers les sapins pour que, si nous ne manquions pas trop, quelques paires de grives rejoignent la gibecière. Moment délicieux fait de rapidité et de précision. Diables de grives, quand elles « piquent », elles passent comme des navettes.

Quand nous avions fini les haies des pâturages, nous grimpions en bordure de forêt pour lever quelques bécasses. Didier battait les bois en contre-bas avec le chien et annonçait. Paul et moi, sur le chemin du haut, nous nous tenions prêts.

Un jour, la manœuvre s’accomplissait comme prévu. Didier tire et annonce que l’oiseau n’est pas tombé. Effectivement, la mordorée surgit devant moi. Je tire en-dessus du buisson du tournant. Je ne vois plus la bécasse. En me hâtant, je contourne la haie et vais voir derrière, dans le pré.

Oh ! Stupeur ! Une buse partait déjà avec ma bécasse. L’avait-elle saisie dans un vol fatigué ? L’avait-elle ramassée à terre ? Je ne sais. Mais il est certain qu’elle la tenait dans ses serres. Je n’eus pas la présence d’esprit de tirer. La buse effrayée aurait peut-être lâché sa proie !

Didier remonte du bois. Paul nous rejoint. Commentaires.

Je raconte : la bécasse, le buisson, la buse. Mes amis peinent à me croire. Nous allons constater sur place, là bas, au fond du  pâturage, environ à deux cents mètres. Nous découvrons, à  l’orée du bois, des plumes de bécasse éparpillées « toutes fraîches ». Incroyable !

Nous avons enchaîné, sommes allés chez l’Australien : un repas magnifique, une solide affection.

Un léger voile de tristesse à cause de la bécasse « abusée ».

Les compagnons

17 décembre 2004