La mémoire affective
De mon temps, on apprenait « par cœur » des poésies, des phrases latines ou grecques ou françaises, des vers ou de la prose. Tout était bon pour assouplir les cerveaux rebelles. On pouvait réciter exactement un texte, sans même bien comprendre ce que l’on savait, sur le bout des doigts. La mécanique de la mémoire fonctionnait. Les mots s’enchaînaient et on débitait sur un ton monocorde ce que l’on avait rabâché pendant de longs moments. Le catéchisme ne faisait pas exception à la règle !
Dans l’évangile que la liturgie propose pour la célébration eucharistique de ce jour, Luc spécifie que Marie gardait « dans son cœur » tous ces événements… Annonciation, visitation, épousailles de Joseph, naissance, visite des mages, menace, émigration, installation à Nazareth, prophétie de Siméon, pèlerinage à Jérusalem… Toutes les dates se mêlaient. Elle ne se souvenait plus très bien de la chronologie. Mais, « dans son cœur », ces mystères joyeux ou douloureux restaient intacts et présents. Ils continuaient de la nourrir et de la faire vivre.
Elle s’était demandé tout ce que cela signifiait. Elle ne le savait sans doute pas exactement dans le détail mais, « dans son cœur », l’offrande simple et confiante résumait et actualisait, dans le déroulement de sa vie avec Jésus qui grandissait, son consentement initial et global : « Je suis la servante du Seigneur. Que tout se passe pour moi selon ta parole ».
Quel était l’avenir du rejeton au prénom prestigieux et programmatique ? Elle n’en avait sans doute aucune idée précise. Elle ne maîtrisait pas l’avenir. Elle ne se tourmentait pas plus que toutes les mères. On verrait bien au fur et à mesure. On ferait face aux événements. Il suffirait de les imprégner des mystères qu’elle portait au présent dans son cœur pour rester « disponible » comme au moment de la visite de l’ange.
Tout était flou et plein d’amour. Le Dieu qui lui avait fait confiance, l’Esprit qui lui avait donné fécondité, suffisaient pour qu’au fil des jours et des ans, elle invente elle-même sa propre conduite. Pourquoi s’inquiéter outre mesure pour plus tard ? Les mystères qu’elle vivait et vivrait toujours au présent « dans son cœur », ne cesseraient pas de la guider quand il faudrait entreprendre de choisir en toute liberté, de décider et d’agir.
Je crois que chaque baptisé a repéré quel était « dans son cœur » le mystère-source qui le maintient au présent dans le déroulement de sa vie d’homme ou de femme. La Bonne Nouvelle prendra corps au bon moment.
Je crois que c’est l’un des messages de Marie.
20 juin 2009
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