En octobre 1939, je suis entré en sixième dans un cours que Mademoiselle Parot avait installé à Saint Cyr car, à Lyon, on redoutait les bombardements.
En mai 1940, mes parents décidèrent que ma mère, mon frère Marc et moi, nous nous installerions pour six mois à Hauteville dans un appartement de la Villa ’Beauséjour’ près du sana Mangini.
En train puis en car, puis à pieds, mon Père venait toutes les fins de semaines.
C’est là que j’appris à courir les bois et à conduire les bœufs pour tirer les troncs d’arbres abattus près de Planacha.
C’est là que pour tuer le temps quand le forestier chômait, j’ai développé ma science au jeu d’échec et au bridge.
C’est là que pour la première fois j’ai vu pleurer mon Père. Nous étions devant la TSF ; le Maréchal Pétain annonça qu’il avait demandé l’Armistice.
La France fut en partie occupée par les soldats allemands. La Zone sud le sera plus tard.
Nous sommes rentrés à Saint Cyr. Je fus inscrit en cinquième comme demi-pensionnaire à l’externat Sainte Marie. Pour dire vrai, j’étais un peu perdu ! Heureusement, il y avait le tram où deux de mes condisciples montaient en même temps que moi, direction du Pont Mouton, puis le 2 jusqu’à Saint Paul. Voyage d’au moins cinquante minutes, matin et soir.
Rétrospectivement, j’ai un peu honte des ennuis que nous avons faits aux agents de l’OTL.
Beaucoup de choses seraient encore à écrire… Par exemple, le bombardement de Vaise par les avions américains qui visaient la gare et rasèrent la rue de Saint Cyr. Ils détruisirent aussi l’Église de l’Annonciation et y tuèrent deux des prêtres desservants.
À seize ans, à la fin de la guerre, mon Père, pour conforter Marc, m’autorisa à prendre mon permis de chasse.
Mon frère Marc, tout en restant très fragile, connut une période de rémission. Il émit l’idée de chasser et m’avait entraîné dans cette étrangeté. Dans ma famille et parmi mes aïeux, nul ne chassait et même on considérait peu recommandable ce genre de « sport ».
Mon frère et moi, nous nous mîmes en quête de fusils, de douilles, de poudre, d’une machine à sertir et d’autres petits ustensiles pour faire nous-mêmes nos cartouches. Nous avons adhéré à la société de chasse communale de Saint Cyr. Nous faisons la connaissance d’hommes très sympathiques mais dont la plupart étaient des laïques militants, voire des anticléricaux. Nous devinrent amis de beaucoup.
Pour chasser les lapins, le seul gibier abondant, il nous fallait un chien. Des copains nous donnèrent un chiot de race inavouée. Nous l’avons appelé PLUTO, du nom d’un pipeline sous-marin américain qui amenait l’essence en Europe.
J’ai raconté cette histoire dans cette biographie parce que la chasse fut mon délassement et mon unique dépaysement pendant plus de soixante-dix ans. Ce fut pour moi un temps de découvertes et d’amitiés profondes et durables. La billebaude devait me fournir en paraboles modernes. J’ai écrit une quarantaine de pages sur ce sujet ; je les ai intitulées CYNEGET.
Les rencontres de toutes ces personnes merveilleuses et gentiment athées m’encrèrent dans mon désir d’être prêtre.
Je m’en ouvris à Denis Aubrun, curé de la paroisse.
23 août 2024
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