Le choix prophétique
Tout se passe parfois comme si les choses de la religion freinaient toute ouverture à la nouveauté. Les habitudes religieuses risquent de pétrifier « la vie courante ». Elles ont grand-peine à évoluer aussi rapidement que le rythme endiablé de la mondialisation. Elles portent en elles la répétition sécuritaire et le slogan éculé… « Ça s’est toujours fait, pourquoi penser, prier ou agir autrement ? Dieu ne change pas ! ».
Même si la bonté de Dieu et sa fidélité demeurent d’âge en âge cette permanence ne fige pas l’histoire humaine. Par contre, les raisonnements frileux entraînent, d’une part, une torpeur spirituelle et, d’autre part, une érosion numérique des communautés. Si parfois des incroyants respectent ou même admirent les tenants d’un passé prestigieux, c’est sans doute parce que ces derniers incarnent une noble tradition folklorique, aussi belle et aussi enchanteresse que les chevaliers du Moyen Âge.
Dieu ne change pas. Hors du temps et de l’espace, il demeure présent par amour et s’approche des humains pour, à chaque instant, leur révéler qu’ils sont aimés et que cette intime proximité change tout.
Dieu, lui, ne change pas mais les chemins pour aller à sa rencontre varient aussi vite et en même temps que la culture des humains. L’on ne peut se laisser rejoindre par Jésus, son actuel secret miséricordieux, que dans le langage que l’on entend tous les jours dans la rue ou dans les écoles. Ceux qui le reconnaissent comme Père ne peuvent en parler à leurs proches qui l’ignorent, que dans le langage commun par lequel ils communiquent avec eux. Les baptisés confessants doivent donc épouser des comportements qui ont signification dans la culture ambiante, autrement ils sont dépassés, fripés et pas entendus. Si les chrétiens veulent révéler le secret de leur heureuse liberté personnelle et inviter aux communautés où ils rendent grâce et se nourrissent de la Parole, ils ne peuvent le faire que si eux et leurs assemblées murmurent la foi en un langage simple et ne confondent pas embrigadement et mission.
Dans un monde culturellement « étranger » au traditionalisme religieux qui paralyse ou même tire en arrière la civilisation, la voie nouvelle ne s’ouvre que par une « action-synthèse » qui allie à la fois contemplation de l’éternelle Sagesse et amour du temps présent.
Le baptisé, animé du souffle prophétique de Jésus, s’épanouit en terre étrangère, là où il réside. Il en partage le dynamisme, la culture, les mots, les symboles, la solidarité, la vie qui mute sans cesse. Il sera étrange par la foi mais à plein « citoyen » de cette portion du monde dans laquelle il a choisi de prendre racines. Cette tension, cet ajustement incessant, seront sa joie mais aussi sa souffrance. Éveillé par cette adaptation constante, il est éveilleur sans donner de leçon.
La terre étrangère de l’incroyance est au cœur de chacun et aussi autour de chacun. La Bonne Nouvelle convertit à tout moment. Les cœurs disponibles peuvent surprendre et entendre un secret de bonheur : « Être en même temps qu’aujourd’hui qui devient sans cesse demain et du toujours de la bonté créatrice qui est l’amour agissant ».
C’est ainsi que les prophètes contemporains, successeurs d’Élie, s’établissent à Sarepta et que les descendants d’Élisée dialoguent avec Naaman le lépreux.
28 février 2005
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